Ecrit par Simon Bardet retrouvez l’article sur – Paris 2024 : Cheick Cissé et Ruth Gbagbi, les pionniers du taekwondo ivoirien repartent au combat (francetvinfo.fr)
Les deux taekwondoïstes sont entrés dans l’histoire de leur pays lors des Jeux de Rio en 2016 : Cheick Cissé en devenant le premier champion olympique de l’histoire de la Côte d’Ivoire, Ruth Gbagbi en étant la première femme à monter sur un podium.
A jamais les premiers. Cheick Cissé et Ruth Gbagbi ont porté la Côte d’Ivoire vers les sommets de l’Olympe, à l’occasion des Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 2016. Quand Cheick Cissé s’est paré d’or à la dernière seconde de sa finale des -80 kg, devenant le premier sportif ivoirien à décrocher le plus beau des métaux, Ruth Gbagbi est rentrée du Brésil avec une médaille de bronze, apportant au sport féminin ivoirien sa toute première médaille, chez les -67 kg.
Cette performance des deux taekwondoïstes a eu un effet immédiat : la discipline est devenue le deuxième sport de Côte d’Ivoire, derrière le football. « Le nombre de licenciés a triplé, explique Cheick Cissé. On a vu de plus en plus des jeunes aller à l’entraînement pour devenir comme nous. Cela a vraiment eu un effet positif sur la jeunesse. »
Le taekwondoïste Cheick Cissé, premier champion olympique de l’histoire de la Côte d’Ivoire, le 19 août 2016 à Rio de Janeiro. (SOUTELLO / SIPA)
Les deux le savent mieux que personne, la pratique du taekwondo peut être une aubaine. « Je viens d’un quartier modeste à Koumassi [une commune d’Abidjan, la plus grande ville de Côte d’Ivoire] et je sais que la vie n’est pas facile là-bas. Cette vie, je l’ai vécue », raconte Ruth Gbagbi.
Citation – « C’est important de montrer que le sport peut sortir un jeune et toute sa famille de la misère. » Ruth Gbagbi, double médaillée de bronze aux Jeux olympiques
C’est sa mère – lassée que Ruth fasse « beaucoup la bagarre » – qui l’a inscrite au taekwondo à l’âge de 8 ans, même si la jeune enfant rêvait d’abord d’être footballeuse. Dans la famille Cissé, c’est le père qui a incité Cheick à pratiquer un sport de combat. Là aussi, « c’était une bonne chose, concède-t-il. J’étais très turbulent. Le sport m’a permis de sortir de la rue, de ne pas faire de choses négatives après les cours, de développer mon esprit, mes valeurs d’excellence et de respect ».
Des mentors français
Le sport les a canalisés – Ruth a cessé de faire l’école buissonnière – leur implication a montré l’exemple aux autres jeunes de leurs quartiers et leur a permis de rapidement progresser. « Mon maître de salle a tout de suite vu en moi une future championne, assure la double médaillée de bronze aux JO (2016 et 2021). Il m’a fait combattre contre des hommes, ce qui fait de moi la guerrière que je suis aujourd’hui, cette fille courageuse, battante, résiliente. »
Pour grimper dans la hiérarchie du taekwondo mondial, Cheick Cissé s’est appuyé sur des modèles, notamment celui de Didier Drogba, footballeur ivoirien passé par Marseille et Chelsea, jamais avare en encouragements pour les sportifs de son pays et qui y reste immensément populaire, dix ans après ses derniers matchs pour l’équipe nationale.
Citation – « Quand j’ai su qu’on pouvait faire une carrière internationale dans cette discipline, je me suis dit que j’allais être la Didier Drogba du taekwondo. » – Ruth Gbagbi, double médaillée de bronze aux Jeux olympique
Le champion olympique de Rio a également pu compter sur le soutien de ses mentors. « J’ai participé à plusieurs stages grâce à Pascal Gentil [ancien taekwondoïste français, double médaillé de bronze aux JO], qui était un modèle extraordinaire, se remémore Cheick Cissé. Et je ne peux pas oublier Marlène » Harnois, médaillée de bronze à Londres en 2012, championne du monde et double championne d’Europe.
La Franco-Canadienne a ensuite transmis son savoir en s’impliquant pleinement dans la carrière de Cheick Cissé et Ruth Gbagbi. « Marlène a tout laissé pour venir en Côte d’Ivoire, parce qu’elle a vu notre talent, le vivier qu’on avait en Afrique. Elle venait à Koumassi pour nous inspirer, pour nous montrer sa médaille de bronze, et nous disait : ‘Vous pouvez le faire, il suffit d’être assidu, de travailler, de persévérer.’ », détaille Cheick Cissé.
Citation – « Marlène Harnois a permis à la Côte d’Ivoire de briller et de ramener des médailles. » – Cheick Cissé, champion olympique à Rio 2016
Elle a transmis le flambeau à Ruth Gbagbi, première athlète féminine ivoirienne médaillée aux Jeux, devenue un exemple au pays. « Cette médaille olympique a permis à la gent féminine de croire en elle, a incité les femmes à devenir des leaders dans différents domaines », se félicite Gbagbi. Le sport en fait partie : « Désormais, il y a plein de femmes au taekwondo, il y a même des jeunes filles qui glanent des médailles à l’international. En athlétisme, il y a Marie-Josée Ta Lou et Murielle Ahouré, qui ont poussé les femmes à la pratique de leur discipline. Pour Paris 2024, les sports individuels sont majoritairement représentés par des femmes en Côte d’Ivoire. »
Ruth Gbagbi, en bleu, fait admirer sa souplesse en demi-finales des Jeux olympiques de Tokyo, le 26 juillet 2021. (MAXPPP)
Le rendez-vous olympique parisien est très attendu par les deux taekwondoïstes, qui pourront compter sur un soutien sans faille de leurs proches : « C’est comme si je participais aux Jeux olympiques à la maison, s’amuse Cheick Cissé. C’est assez spécial, car ma femme et mon enfant sont français. Je suis sûr qu’il y aura du monde derrière moi, parce que j’ai beaucoup de frères à Paris. »
Ruth Gbagbi compte décrocher une troisième médaille olympique, qu’elle espère d’un autre métal que les deux précédentes. « Avec mon expérience, je sais que le plus important pour moi, c’est de me préparer dans de bonnes conditions physiques et mentales, et avec la grâce de Dieu », détaille-t-elle.
Cheick Cissé présente sa médaille de champion du monde 2023 au vice-président de la Côte d’Ivoire, Tiémoko Meyliet Koné, à Abidjan, le 23 juin 2023. (SIA KAMBOU / AFP)
« Je crois au futur de l’Afrique, au futur de la Côte d’Ivoire, affirme Cheick Cissé. Les jeunes ont intérêt à travailler parce que demain, le pays continuera à se développer. Et c’est important de miser sur la jeunesse. Avec notre expérience et avec les moyens que met le gouvernement ivoirien, de nouveaux champions vont émerger. Je le vois dans le taekwondo, il y a de la bonne graine, de futurs champions. » Ruth Gbagbi (-67 kg) entre en compétition sous la verrière du Grand Palais vendredi 6 août, avant Cheick Cissé (+80 kg), samedi.